Cour d’appel d’Anvers, 15 septembre 2022

15 Septembre 2022
Domaine d'action: Internet
Critère de discrimination: Racisme
Arrondissement judiciaire: Anvers
Juridiction: Cour d’appel

La cour d'appel confirme la condamnation d'une femme appartenant à l'extrême droite pour avoir publié à plusieurs reprises des mèmes à caractère haineux sur internet.

La cour d'appel confirme la condamnation d'une femme appartenant à l'extrême droite pour avoir publié à plusieurs reprises des mèmes à caractère haineux sur internet.

Les faits

Une femme issue du milieu de l’extrême droite a publié entre mars 2019 et janvier 2020 des mèmes et des vidéos haineux sur diverses plateformes de médias sociaux. Il s’agissait, entre autres, d’un mème avec le texte ‘Islamophobic and proud of it’, un même représentant une mosquée en feu avec le texte ‘ik steun de warmste week’ (en référence à ‘De warmste week’, un projet de solidarité en Flandre), un mème montrant les fesses nues d’une femme utilisant une page du Coran comme papier toilette comportant le texte ‘Koran cheap toilepaper. 0.99 cent at Aldi! Always handy after you shit on Islam!’, une vidéo de l’attaque à la mosquée de Christchurch (Nouvelle-Zélande)…

Par ailleurs, la femme a posté des messages négationnistes sur diverses plateformes de médias sociaux, comme une vidéo dans laquelle un rabbin dit à quel point Adolf Hitler avait raison, une vidéo avec un discours d’Adolf Hitler incitant à combattre les Juifs et un mème d’un Hitler souriant avec le texte ‘Look at Europe now. Miss me yet???’.

Unia s'était constitué partie civile dans cette affaire.  

Le 11 octobre 2021, le tribunal correctionnel d'Anvers, division Turnhout, a condamné la femme à six mois d'emprisonnement, avec un sursis de 3 ans, et à une amende de 320 euros. Tant le ministère public que la prévenue ont introduit un recours contre le jugement. Le ministère public estimait que la cour d'appel devait se déclarer incompétente en ce qui concerne l'infraction d'incitation (charge A).

Qualification juridique

En première instance, le ministère public avait poursuivi la prévenue  pour les charges suivantes : 

  • Incitation à la haine ou à la violence à l'encontre d'un groupe, d'une communauté ou de leurs membres (art. 20, 4° de la loi antiracisme).    
  • Approbation du génocide commis pendant la Seconde Guerre mondiale par le régime national-socialiste allemand (art. 1 de la loi sur le négationnisme). 

Décision

La cour d’appel se rallie entièrement au jugement du tribunal correctionnel.

S’agissant de la première prévention, la cour d’appel confirme la présence d’images violentes et haineuses ainsi que de propos désobligeants avec une composante raciale. Par conséquent, il est incontestable selon la cour d’appel qu’en publiant les mèmes et les vidéos, la prévenue a incité à la haine et à la violence contre les musulmans et les réfugiés (en raison de leur origine nationale et ethnique) et les personnes de couleur (en raison de leur couleur de peau). L’intention particulière d’inciter à la haine et à la violence a pu être déduite de la chronologie et de la multiplicité des messages postés.

Les ‘émoticônes’ souriantes, que la prévenue a en outre placées au-dessus de diverses images, ne pouvaient selon la cour d’appel être interprétées que comme un encouragement à la haine, au racisme et à la violence.

En ce qui concerne la seconde prévention, la cour d’appel souligne que la chronologie et la multiplicité des messages postés, ainsi que le contexte, ne peuvent être compris que comme l’approbation délibérée de l’idéologie nazie d’Hitler, y compris les atrocités commises pendant la Seconde Guerre mondiale. La prévenue voulait montrer avec ses posts qu’Hitler avait ‘raison et que son discours est toujours d’actualité’.

La cour d’appel a condamné la prévenue à six mois d’emprisonnement et à une amende de 320 euros, avec un sursis de 3 ans dans les deux cas. Le sursis est assorti de conditions probatoires, dont l’obligation de visiter la Kazerne Dossin.

Unia a obtenu des dommages et intérêts de 250 euros et une indemnité de procédure de 260 euros (première instance) et 280 euros (appel).

Points d’attention  

Dans cet arrêt, la cour d’appel a confirmé la première condamnation en Belgique pour la publication de mèmes haineux.  L'utilisation de ces mèmes est populaire dans les milieux d'extrême droite et fait partie intégrante de leur stratégie de communication.  
La cour d’appel a également estimé que la diffusion de messages haineux sur les musulmans peut être motivée par le racisme ou la xénophobie.

En abrégé: Anvers,  15-9-2022

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