Vaccination et Covid Safe Ticket : Unia analyse les motifs d’une défiance grandissante

18 Novembre 2021
Domaine d'action: Tous les domaines
Critère de discrimination: ÂgeAutres critères

Un an après un premier rapport analysant l’impact de la crise sanitaire sur les droits humains, Unia poursuit son travail de monitoring des droits fondamentaux dans le contexte de lutte contre la pandémie. Sur la base des signalements envoyés par les citoyens et d’une veille continue de la législation antidiscrimination, Unia brosse une année de pandémie en chiffres et en faits.

« Les mesures décidées et la manière dont elles sont communiquées continuent de générer un sentiment de discrimination et d’injustice parmi la population, qui polarise la société », souligne Patrick Charlier, directeur d’Unia.

Par le biais des 2 000 signalements liés au Covid-19 que les citoyens nous ont fait parvenir entre le 20 août 2020 et le 20 août 2021, Unia a pu prendre la température de ce qui vit dans la société, de ce qui préoccupe ou indigne la population, des situations potentiellement problématiques. Les « signalements Covid » ont représenté un quart de l’ensemble des signalements enregistrés sur cette période. 

La stratégie de vaccination sujette à la critique

Le nombre de signalements liés au Covid-19 a progressivement augmenté à mesure que la stratégie de vaccination se concrétisait et se déployait dans le grand public. On constate un pic en juin 2021, lorsque le pass sanitaire européen a pris forme, pour atteindre un record en août 2021.

Unia a reçu un peu plus de 1 000 signalements relatifs à la stratégie de vaccination et aux vaccins (soit plus de la moitié des « signalements Covid »). Une grande partie d’entre eux porte sur la dualisation de la société selon l’état vaccinal : pour ceux qui ne sont pas vaccinés, il y a un risque de limitation d’accès à l’emploi, aux biens et aux services, aux activités et aux contacts sociaux.

Obligation vaccinale sur le lieu de travail ?

Un employeur peut-il refuser l’accès à leur poste de travail en présentiel aux travailleurs non vaccinés ? Peut-il interroger le travailleur sur son état de vaccination ? Est-il normal de se voir refuser la participation à un stage si on n’est pas vacciné ? De nombreuses personnes nous ayant contactés se posaient des questions en matière d’accès à l’emploi et aux stages.

Unia rappelle qu’il n’est pas inhabituel d’imposer légalement la vaccination (p. ex. hépatite B, tétanos) dans certains secteurs spécifiques où les travailleurs sont davantage exposés, afin de protéger ceux-ci autant que les personnes avec lesquelles ils entrent en contact. Mais un employeur ne peut pas imposer lui-même cette obligation si elle n’est pas prévue par la loi.

L’employeur ne peut pas non plus automatiquement licencier les travailleurs non vaccinés ou refuser un candidat simplement au motif qu’il n’est pas vacciné. Toute personne ne pouvant pas être vaccinée pour des raisons médicales a droit à des aménagements raisonnables et ne peut pas non plus automatiquement être écartée du travail.

Une obligation vaccinale doit par ailleurs aller de pair avec un renforcement des mesures de protection existantes, dans l'intérêt de tous les travailleurs concernés.

Hausse des signalements due à l’extension du CST

Si ce rapport analyse la période qui s’achève en août 2021, nous ne pouvons ignorer ce qui s’est passé par après. Le Covid Safe Ticket (CST), réservé au départ aux voyages et aux événements de masse, a connu une extension dans le temps et dans l’espace à la fin de l’été, sans qu’on ne soit en mesure d’en définir clairement les limites. Ce dispositif est à l’origine d’une hausse significative de signalements : entre le 21 août et le 15 octobre 2021, nous en avons enregistré 1 255 (soit près de la moitié de l’ensemble des signalements). Même si l’usage du CST n’implique pas ipso facto qu’il y ait discrimination, les mesures décidées et la manière dont elles sont communiquées ont généré un véritable sentiment d’injustice parmi la population, polarisant la société.

« Le CST a été régulièrement défendu comme un instrument pour accroître le taux de vaccination. Si tel était l’objectif, l’obligation légale de vaccination, par exemple pour certains secteurs professionnels spécifiques, eut été préférable », remarque Patrick Charlier, directeur d’Unia.

« Les autorités auraient été plus cohérentes si elles avaient pris cette responsabilité de manière conséquente. Cela étant, nous ne minimisons pas les risques que comporte une obligation vaccinale. Celle-ci doit être proportionnée, limitée au strict nécessaire, et surtout inclusive. Il ne s’agit pas de l’imposer sans l’accompagner de mesures évitant une exclusion ou une stigmatisation de populations déjà fragilisées ou marginalisées dans un cadre professionnel. Elle devrait également être limitée aux secteurs et domaines considérés comme les plus à risque, en évitant une extension à d’autres professions sans réelle justification. »

Unia appelle à un débat impliquant toutes les parties concernées, notamment les acteurs de terrain, et conclut son rapport par une liste des points d’attention pour une gestion de la crise sanitaire en accord avec les droits humains.

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