Les personnes internées : la Belgique condamnée par la Cour européenne des droits de l’homme

13 Janvier 2014
Critère de discrimination: Handicap

Le 9 janvier dernier, la Cour européenne des droits de l’homme a rendu simultanément huit arrêts condamnant la Belgique. Tous concernent le même sujet : la détention de personnes internées dans des lieux inappropriés.

Le Centre pour l’égalité des chances et la lutte contre le racisme, en tant que mécanisme indépendant de suivi de la Convention des Nations Unies relative aux droits des personnes handicapées, attire l’attention sur ces nouvelles condamnations. Il estime que la Belgique ne peut ignorer ce message fort des instances européennes concernant une situation inacceptable au regard des obligations de tout état démocratique respectueux des droits de l’homme.

Si depuis 1998, date de la première condamnation de la Belgique par la CEDH, les condamnations se succèdent de manière régulière, les atteintes aux droits fondamentaux des personnes internées font quant à elles l’objet de l’attention des instances internationales compétentes depuis bien plus longtemps (voir par exemple le rapport du CPT relatif à sa visite de 1993).

Ainsi, personne n’ignore plus que le problème structurel de surpopulation carcérale affecte de manière directe la question du traitement des personnes internées. Faute d’être accueillies au sein de structures thérapeutiques adéquates, ces personnes séjournent dans les cellules des annexes psychiatriques des prisons, pour une durée indéterminée et, parfois, pour des faits pouvant s’apparenter à un délit mineur.

De même, le citoyen n’ignore plus que le fait même de séjourner dans des prisons surpeuplées, au contact de condamnés de droit commun, dans des conditions de détention parfois très difficiles, n’augmente en rien les chances que ces personnes auront de se réinsérer par la suite dans la société de manière durable. Que bien au contraire, un séjour en détention peut occasionner, par le fait même de l’enfermement, des troubles psychiques plus graves encore.

Depuis des années, les associations de défense des droits de l’Homme (l’Observatoire international des prisons, la Ligue des droits de l’homme, ...) dénoncent ces violations flagrantes liées à la problématique de l’internement.

Pourtant, cette situation semble perdurer : aujourd’hui, les personnes internées représentent un peu plus de 10% de la population carcérale totale et peu d’éléments donnent à espérer de manière réaliste une amélioration au cours des prochaines années.

Ni la réforme de la loi de défense sociale en 2007 (très critiquée au moment de son vote et toujours pas entrée en vigueur à ce jour), ni les mesures prises dans le cadre du Masterplan pour lutter contre la surpopulation carcérale (voir à ce sujet le rapport publié par la Cour des comptes en 2011) ne semblent  avoir d’impact significatif sur une problématique dont la complexité est d’autant plus grande qu’elle concerne une population très diversifiée et qu’elle relève dans la pratique de plusieurs services publics et plusieurs niveaux de pouvoir.

C’est dans le cadre de son mandat de mécanisme indépendant de suivi de la Convention des Nations Unies relative aux droits des personnes handicapées que le Centre a fait de la problématique de l’internement l’un de ses points d’attention prioritaires et a rendu un avis qu’il a présenté lors d’une audition au Sénat le 11 décembre dernier. C’est dans ce cadre également que le Centre a été entendu en 2013 par le Comité européen pour la prévention de la torture et qu’il a rédigé une contribution relative à la situation des personnes internées pour le rapport parallèle rendu au Comité Contre la Torture des Nations Unies.

Le Centre suit également avec attention l’élaboration et l’organisation des différents lieux destinés à accueillir les personnes internées, qu’il s’agisse des annexes psychiatriques ou des deux Centres de psychiatrie médico-légale de Gand et Anvers.

La Belgique a ratifié la Convention européenne des droits de l’homme en 1955, signé la Convention contre la torture en 1999 et ratifié la Convention des Nations Unies relative aux droits des personnes handicapées en 2009. Ces textes entraînent des obligations pour les Etats signataires. Dans un pays démocratique, ces obligations ne peuvent rester lettre morte et doivent donner lieu à un respect effectif des dispositions prévues. C’est ce que le Centre souhaite rappeler à l’occasion de ces huit dernières condamnations. Vous pouvez consulter les arrêts ci-dessous.

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