L’enseignement en Belgique reste inégalitaire selon l’origine sociale ou ethnique des élèves

4 Février 2018
Domaine d'action: Enseignement
Critère de discrimination: RacismeHandicapOrientation sexuelleAutres critères

Nous sommes tous nés égaux, parait-il. Et pourtant dès les bancs de l’école, certains enfants sont plus égaux que d’autres, tous ne reçoivent pas les mêmes chances.  Unia s’empare de cette question  en publiant aujourd’hui son Baromètre diversité Enseignement.  Une vaste étude commanditée à l’ULB, la KU Leuven et l’UGent et qui met  en évidence des processus structurels induisant des inégalités entre les élèves. En Fédération Wallonie-Bruxelles, 662 enseignants et directeurs d’école issus de 320 écoles ont été interrogés.  

De manière inédite et innovante, les chercheurs ont levé un coin du voile sur les processus présidant à l’orientation des élèves. « Il en ressort que les décisions des conseils de classe ne se basent pas toujours sur les compétences des élèves. En effet, de manière inconsciente souvent de la part du personnel enseignant, l’origine sociale ou ethnique peut jouer un rôle déterminant quant aux décisions prises », résume Patrick Charlier, directeur d’Unia.

Ainsi, à résultats scolaires identiques, les justifications apportées pour attribuer telle ou telle attestation d’orientation (réussite, redoublement ou réorientation) ne sont pas les mêmes selon les caractéristiques des élèves. Les enseignants justifient, par exemple, les réorientations par le manque de soutien parental supposé de l’élève d’une origine sociale peu élevée et/ou étrangère. 

 « Il s’agit d’un wake up call pour nous. Cette recherche montre l’importance de travailler sur les préjugés. L’origine des élèves influence encore la manière d’appréhender leur accompagnement et leur orientation. Et cela entraîne des différences d’opportunités entre les élèves ayant pourtant des capacités comparables. Nous ne pouvons plus accepter cela », souligne Patrick Charlier.

Unia recommande une orientation scolaire positive

De nombreuses recherches montrent aussi que plus l’orientation intervient tôt, plus celle-ci renforce l’inégalité selon l’origine sociale. Opter pour une prolongation du tronc commun, comme le prévoit le Pacte pour un enseignement d’excellence en Fédération Wallonie-Bruxelles, semble aller dans la bonne direction, à condition d’éviter les orientations « cachées » comme celles qui ont lieu dans le premier degré.

Maintenir la réputation de l’école

Ces résultats semblent, en outre, indiquer que les décisions d’orientation des élèves répondent parfois plus à des logiques structurelles de sélection et de compétition entre les écoles qu’aux  mérites de l’élève lui-même.

L’origine des élèves pèse ainsi d’une autre manière dans leur éducation, explique Patrick Charlier, qui précise que « certaines études démontrent combien les parents sont soucieux de trouver une école de bonne réputation pour leurs enfants. Aussi, nombreux sont-ils à forger leur choix sur la base d’échos ou d’avis d’autres parents. Prenant conscience de l’image qu’elles peuvent renvoyer, certaines écoles, soucieuses de préserver leur réputation, hésitent alors à garder en leur sein des élèves issus d’un environnement défavorisé. Ces élèves peuvent alors connaître un parcours scolaire de relégation. » 

Du principe à la réalité 

Malgré leur engagement et leur professionnalisme, les enseignants sont souvent amenés à faire le grand écart entre les principes de l’école et la réalité du terrain. Ainsi, par exemple, l’étude met en évidence que 70% des enseignants et des directeurs désirent bâtir une école où les élèves LGBT se sentent les bienvenus. Mais dans le même temps 30% d’entre eux affirment que leur école n’est pas encore en mesure de s’adapter aux réalités nouvelles comme par les familles homoparentales.

Unia recommande une approche structurelle vis-à-vis des jeunes LGBT

Les acteurs de l’enseignement doivent développer une approche anti-harcèlement pour les jeunes LGBT en évitant l’hétéronormativité, en proposant une perspective LGBT dans la formation sexuelle et relationnelle et en comblant le manque d’information de la part des enseignants. Et ce, de manière structurelle et à tous les niveaux de l’enseignement pour avoir un réel impact.

Par ailleurs, 80% des directeurs d’écoles primaires déclarent soutenir les enseignants dans la prise en charge des élèves en situation de handicap. Pourtant, à peine 20% des répondants affirment que leur école dispose d’un programme spécifique pour les élèves qui viennent de l’enseignement spécialisé et parmi les directeurs, ils sont plus de 56% à être favorables à réorienter les élèves ayant des besoins éducatifs spécifiques vers l’enseignement spécialisé.

Unia recommande un enseignement inclusif pour les élèves en situation de handicap

Le système d’enseignement doit être fondé sur les différences entre les enfants et prenant comme principe de base la flexibilité pour réaliser une égalité de traitement. Le corps enseignant doit être interdisciplinaire et suffisamment soutenu. Un soutien identique doit être disponible pour les écoles ordinaires et spécialisées. Et l’accessibilité des infrastructures et des méthodes de travail doit être assurée.

« Nous continuons à promouvoir des écoles inclusives où chaque élève est le bienvenu. L’enseignement inclusif est le moteur d’une société égalitaire et cela signifie que les écoles donnent accès à leurs infrastructures, leurs méthodes, leurs matériels pédagogiques à tous leurs élèves, indépendamment de leurs caractéristiques : élèves handicapés, primo-arrivants ou enfants qui, pour des raisons financières ou autres, ont plus de risques d’inégalité de traitement. C’est le devoir de notre société de veiller à cela », insiste Patrick Charlier.

Des professeurs démunis

Les enseignants, tout en se disant conscients des enjeux, estiment ne pas être suffisamment outillés pour la mise en place d’aménagement raisonnables (40%), pour enseigner de manière adéquate à des élèves primo-arrivants (80%) ou encore à une classe présentant une forte diversité linguistique (70%). Face à l’absence d’une politique globale en la matière, ils sont souvent contraints de « bricoler ». 

Patrick Charlier souligne qu’« il y a de la bonne volonté partout, mais cela ne suffit pas à obtenir davantage d’égalité des chances dans l’éduction. Il faut aider et soutenir les enseignants, adapter le système dans lequel ils évoluent, repenser leur formation et aussi revaloriser la profession  ».

Unia recommande de soutenir et de former les acteurs scolaires

Il faut soutenir les équipes éducatives dans l’acquisition de méthodes, d’outils et de compétences pédagogiques pour appréhender des classes diversifiées. Via la formation initiale ou dans le cadre d’une formation continuée, il faut également sensibiliser les enseignants à l’importance du climat de classe et les outiller à détecter les situations de harcèlement et à y répondre adéquatement.