Appel pour la diversité à tous les citoyens de notre pays

21 Mars 2007
Critère de discrimination: Racisme

21 mars 1960, Sharpeville, en Afrique du sud: la police ouvre le feu contre des manifestants réunis pacifiquement pour dénoncer le régime d’apartheid. Bilan : 69 morts. 1966 : les Nations Unies font du 21 mars la Journée internationale contre le racisme. Il y a dix ans, en 1997, une « Année européenne contre le racisme » est décrétée. Durant toute celle-ci, la lutte contre ce fléau de société a été placée sous le feu des projecteurs. A cette occasion, le Centre pour l’égalité des chances et la lutte contre le racisme organise des « Etats-généraux » avec la participation de plus de 1.500 personnes. Parmi celles-ci: des personnalités politiques, des fonctionnaires, des représentants du monde associatif et de l’enseignement.

Vous souvenez-vous de cette année 1997 ? C’était un an après l’« affaire Dutroux » et la « marche blanche ». A l’époque, tout le monde avait pu suivre à la télévision les funérailles de Loubna Benaïssa, une petite Bruxelloise de 9 ans morte assassinée. L’ensemble de la population belge partagea le chagrin de sa famille et de ses proches. Le Premier ministre s’était alors prononcé en faveur du droit de vote pour les résidents d’origine étrangère. C’est dans cette atmosphère que se sont déroulés nos Etats-Généraux contre le racisme, et surtout la formulation de 60 propositions concrètes pour endiguer les discriminations. Qu’est-il advenu de ces propositions dix ans plus tard, en 2007, « Année européenne pour l’égalité des chances pour tous » ? 

Depuis 1981, la Belgique dispose d’une loi contre le racisme, mais celle-ci se heurtait souvent à des « difficultés » pour être correctement appliquée. C’est notamment pourquoi les Etats Généraux proposèrent de correctionnaliser les délits de presse de nature raciste, afin de rendre les poursuites contre ces mêmes délits possibles. D’innombrables tracts de propagande et autres publications qui incitaient ouvertement à la haine, à la violence et à la discrimination échappaient jusqu’alors aux poursuites judiciaires, à quelques exceptions près. En 1999, le délit de presse, en matière de racisme, sera correctionnalisé : des poursuites effectives contre la propagande raciste seront enfin engagées. 

En cas d’actes de violence pour lesquels la motivation raciste est avérée, les Etats-Généraux demandaient l’application des « circonstances aggravantes ». La loi contre les discriminations, rentrée en vigueur en 2003, a introduit ce principe et désormais, le juge décide souvent d’un doublement de la peine pour l’auteur d’un acte dont le mobile est inspiré par le racisme.

Pour ces mêmes Etats-Généraux, la lutte contre le racisme devait devenir une des priorités d’une politique répressive. En 2006, dans chaque arrondissement judiciaire, un magistrat de référence dans la lutte contre le racisme et la discrimination sera désigné. Quant au collège des Procureurs-généraux, il réclamera un « monitoring » précis de la violence de type raciste. Les Etats-Généraux insistaient également sur l’importance de la formation des magistrats et des services de police : depuis 1998, le Centre pour l’égalité organise ces formations si nécessaire dans le combat pour le respect mutuel.

Mais, la lutte contre le racisme ne peut pas uniquement s’arc-bouter sur des instruments répressifs. La loi doit pouvoir être appliquée dès que nécessaire. Cependant, il appartient également à l’ensemble des citoyens de veiller à une cohabitation harmonieuse pour éviter les pièges du racisme. Une responsabilité qui incombe à chacun d’entre nous. En rue, dans le bus ou dans le train, au bureau de poste ou à la banque : partout où les individus sont amenés à entrer en relation avec d’autres citoyens de notre pays, le respect mutuel est indispensable. Or, le Centre constate que certains tabous sont tombés, que l’on éprouve - de moins en moins - de difficultés à se revendiquer comme « raciste » et à rejeter l’« Autre », simplement en raison de la couleur de sa peau, par exemple. D’un autre côté, le Centre est régulièrement interpellé par des personnes qui sont insultés de « sales Belges ». Le racisme est universel, ne l’oublions jamais. C’est donc tous azimuts qu’il doit être rejeté, combattu, condamné.

Prôner une société harmonieuse n’est pas compatible avec une minimisation et une banalisation du racisme et de la xénophobie. Les tragiques événements de l’année 2006 – le raid meurtrier de Hans Van Temssche et la mort de Guido Demoor – nous ont fortement interpellés. Nous sommes en butte à un racisme rampant dans notre société. Face au refus de quelques couples de Saint-Nicolas d’être mariés par un échevin, uniquement parce qu’il était« noir », force nous est de constater que certains éprouvent toujours des difficultés lorsqu’ils sont confrontés à une « personne différente ».

Oui, le racisme et l’exclusion sont toujours à l’ordre du jour. Les stéréotypes et les préjugés qui en sont à la base restent fortement ancrés dans les mentalités. Nous ne pouvons pas les sous-estimer. Mais, notre pays est aujourd’hui diversifié, interculturel. Une société refermée sur elle-même n’est pas seulement inconcevable : elle serait en définitive dommageable pour tous ses habitants. La seule solution est donc d’œuvrer positivement, tous ensemble, secteur par secteur, en faveur du respect mutuel.

Malgré un tableau noir de la situation du racisme dans notre pays, des signes d’espoir évidents existent, heureusement : la lutte contre les discriminations, indissociable de la promotion de la diversité, est de plus en plus prise en considération par divers secteurs de notre société, tels que ceux de l’enseignement et de l’emploi. Désormais, sur le marché du travail, les employeurs et les travailleurs qui réalisent que la diversité constitue un atout majeur sont de plus en plus nombreux. Par contre, ceux qui sont rétifs à cette évolution sont de plus en plus isolés. En matière de sport et de temps libre, que ce soit dans les domaines du football, des salles de sport ou des discothèques, les initiatives positives se succèdent les unes après les autres. Les associations de terrain relèvent le défi et de nouveaux acteurs se présentent, telles les organisations issues de populations immigrées ou d’origine étrangère. Les universités créent des centres de recherches et de formation voués à l’égalité des chances et à la diversité. Le Centre pour l’égalité peut donc aujourd’hui se féliciter de ne plus être le seul porte-drapeau de la lutte contre le racisme et pour la diversité.

Ces développements structurels trouvent encore un appui auprès de nombreux artistes, avec notamment les concerts « 01.10 » et des campagnes telles que « Zonder Haat Straat » (Rue Sans Haine). L’appui vient aussi de citoyens qui, spontanément et par centaines, ce 21 mars, vont se marier symboliquement à Saint-Nicolas. Il s’agit là de signes encourageants démontrant qu’au sein de l’opinion publique, la majorité des individus s’impliquent et font savoir que le racisme est négatif pour l’ensemble de la société.

C’est sur ce constat que le Centre, à l’occasion de cette journée internationale contre le racisme, veut remercier toutes celles et tous ceux qui se sont engagés dans le juste combat qui a été réalisé durant ces dix dernières années, depuis les Etats-Généraux. Le Centre encourage tous les citoyens et les autorités publiques à contribuer toujours plus au renforcement de notre société interculturelle, ouverte, respectueuse et solidaire.


Patrick CHARLIER, Coordinateur du Département « racisme et intégration »et Jozef DE WITTE, directeur du Centre pour l’égalité des chances et la lutte contre le racisme

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