Tribunal de première instance de Bruxelles (francophone), 3 juin 2005
Le MRAX et les victimes de discrimination en matière de logement introduisent une action en cessation. Après un premier contact avec l'agence immobilière ils se voient opposer un refus, le bailleur souhaitant des locataires calmes. Cependant le bien reste inoccupé. Une amie des victimes se renseigne auprès de l'agence et la seule information qu'on lui demande concerne la nationalité des candidats locataires. De l'ensemble des faits le juge déduit une présomption de discrimination et ordonne la cessation.
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Les faits
Les deuxième et troisième requérants ont la nationalité belge mais sont d'origine étrangère. En décembre 2004, ils remarquent une annonce d'une agence immobilière concernant un appartement à louer. Le deuxième requérant prend rendez-vous avec l'agence mais est informé le jour même que l'appartement a déjà été loué. À son tour, lorsqu'une connaissance des deuxième et troisième requérants contacte l'agence immobilière, on lui demande si les locataires potentiels ont la nationalité belge. Ce sont les deuxième et troisième requérants qui se présentent à nouveau à l'agence immobilière, où ils sont informés que le propriétaire recherche une personne âgée.
Le MRAX et les deuxième et troisième requérants introduisent ensemble une action en cessation contre le propriétaire et contre l'agence immobilière. Dans cette action, ils demandent, entre autres, la cessation de la discrimination et une liste claire des critères utilisés pour sélectionner les candidats locataires.
Décision
Avant d'aborder le caractère discriminatoire ou non du refus de location, le président précise quelques points concernant l'applicabilité de la loi antidiscrimination.
Le fait que la propriétaire habite dans l'immeuble où se trouve l'appartement en question, et que le choix des locataires peut donc être très important pour elle, ne signifie pas que la location est devenue une affaire purement privée à laquelle la loi antidiscrimination ne s'applique pas. En effet, dans le cas d'espèce, le propriétaire utilise les services d'une agence immobilière, une annonce est diffusée sur Internet et une affiche est apposée sur la fenêtre.
En outre, le président a noté que dans le contexte de la discrimination raciale, la directive européenne, sur laquelle la loi antidiscrimination est censée se fonder, offre une protection plus élevée. C'est la protection offerte par la directive qui doit s'appliquer et le président conclut donc qu'en matière de discrimination fondée sur des motifs raciaux, aucune justification ne peut être admise, sauf lorsqu'elle concerne la nature d'une activité professionnelle ou le contexte dans lequel elle est exercée.
Le témoignage de la connaissance des candidats locataires (indiquant qu'il lui avait été demandé lors de son appel à l'agence immobilière si les candidats locataires étaient étrangers ou avaient la nationalité belge) conduit à un glissement de la charge de la preuve. Les défendeurs n'étant pas en mesure de démontrer qu'un critère autre que la nationalité (ou l'origine) des candidats locataires a été pris en compte, la présidente conclut à l'existence d'une discrimination, pour laquelle aucune justification n'est possible au regard de la directive européenne.
Bien que l'appartement ait été loué depuis, les mêmes faits pourraient se répéter. La cessation de la discrimination est donc ordonnée sous astreinte. L'agence immobilière ne peut plus passer d'annonces discriminatoires et les critères discriminatoires proposés par les propriétaires ne peuvent plus être pris en compte. La demande de publication d'une liste de critères pertinents pour la sélection des locataires ne sera pas prise en compte.