Une compagnie aérienne rend ses vols plus accessibles aux personnes handicapées

29 Novembre 2016
Domaine d'action: Biens et services
Critère de discrimination: Handicap

Deux personnes handicapées signalent séparément à Unia qu’elles jugent discriminatoires les services d'une même compagnie aérienne. Il s’agit d’une compagnie européenne assurant des vols depuis et vers la Belgique. 

Dans cet article, nous passerons en revue le déroulement du dossier et nous verrons comment Unia est parvenue à une solution avec les passagers et la compagnie aérienne. Ce faisant, nous souhaitons informer le grand public sur les droits des passagers aériens à mobilité réduite. 

Les points de vue

Les passagers

Une dame  malvoyante, qui voyage avec son chien d'assistance, tente à deux reprises de réserver un vol. À chaque fois, la compagnie annule la réservation au motif que plusieurs chiens d’assistance voyageaient déjà sur ces deux vols ce jour-là. Ce n’est qu’à la troisième tentative, cette fois vers une autre destination, que la compagnie accepte le chien d’assistance à bord.

Quelques heures avant son vol, la dame s’entend à nouveau dire que son chien d’assistance n’est pas autorisé à embarquer. Il ne figure pas sur la liste des passagers. Le service clientèle de la compagnie n’a pas transmis l’autorisation aux services externes concernés. Il faudra longuement insister pour que son chien soit finalement admis à bord. 

Dans l’autre cas, la requérante qui se déplace avec un fauteuil roulant électrique réserve un vol auprès de la même compagnie dans le cadre d’un congrès où elle doit prendre la parole. Elle introduit une demande pour le transport de son fauteuil roulant. La compagnie aérienne lui demande à trois reprises les mêmes informations et les mêmes attestations de sécurité pour finir par approuver le transport. Mais il aura fallu beaucoup insister.

Pendant la procédure d’embarquement, l’affaire se complique. L’accès à l'avion lui est interdit. Le pilote refuse d’emmener son fauteuil roulant au motif que les documents d'autorisation requis sont manquants. La faute incombe au service clientèle de la compagnie qui n’a pas suivi la procédure. La passagère reste au sol tandis que l’avion décolle.

L’entreprise ne recherchant pas d'alternative pour lui permettre d'atteindre sa destination, la dame n’a d'autre choix que de rentrer à la maison. Elle n'obtiendra ni réponse à sa plainte écrite adressée à la compagnie ni excuse ni remboursement de ses billets et de ses frais.

La compagnie aérienne

Dans un premier temps, la compagnie aérienne ne réagit pas à l’intervention d’Unia. Il faudra une mise en demeure officielle pour que la compagnie reconnaisse enfin ses erreurs. 

Ce que dit la loi

Selon la loi belge anti-discrimination, le fournisseur de services commerciaux doit traiter les personnes handicapées de façon équivalente. Une distinction fondée sur le handicap n’est admise que si elle vise un but légitime et si la distinction est appropriée et nécessaire pour atteindre ce but. Les entreprises privées doivent, en outre, prévoir des aménagements raisonnables si leurs services ne sont pas adaptés à une personne handicapée. Les entreprises ne peuvent refuser les aménagements pour leurs clients handicapés que s’ils représentent une ‘charge disproportionnée’.

Par ailleurs, il faut également tenir compte, dans ce dossier, du règlement européen 1107/2006 sur les droits des passagers handicapés prenant l’avion. Ce règlement vise à rendre possible la libre circulation des passagers handicapés et interdit aux compagnies aériennes toute discrimination à leur égard.

Le règlement interdit ainsi aux compagnies aériennes de refuser des passagers en raison de leur handicap, sauf dans des cas exceptionnels, par exemple, pour des raisons de sécurité. Si la compagnie aérienne refuse le droit à une personne d’embarquer, elle doit proposer une alternative acceptable ou rembourser les billets. Par ailleurs, les compagnies aériennes sont contraintes d’aider gratuitement les passagers handicapés et sont tenues de transporter également les aides de ces personnes, comme un fauteuil roulant ou un chien d'assistance, sauf dans des cas exceptionnels comme, par exemple  pour des raisons de sécurité. En cas de refus d’embarquement, le passager refoulé a droit à une information et à un dédommagement. 

Le point de vue d’Unia

Dans les deux cas, la compagnie aérienne a refusé l'accès à ses avions en raison du handicap de la personne. La compagnie refusait, en effet, de transporter les aides qui, compte tenu de leur handicap, étaient nécessaires aux deux passagers pour pouvoir se déplacer de façon autonome. Le refus constitue dès lors une distinction directe fondée sur le handicap.

Or, dans les deux cas, la compagnie aérienne n’a pu invoquer aucune exception crédible pour des raisons de sécurité ou pour d'autres motifs admis par la loi, comme un cas de force majeure. C’est pourquoi Unia estime qu'il est question d'une discrimination directe au sens de la législation anti-discrimination et du règlement européen.

Ces signalements, par ailleurs, montrent clairement que la compagnie aérienne n’a pas organisé de manière adéquate ses services aux passagers handicapés afin de satisfaire aux exigences européennes en matière de transport accessible.

En outre, la compagnie n’a pas respecté son obligation d'assistance. Avant de refuser d’embarquer ces personnes, la compagnie aurait dû envisager une alternative acceptable ou rembourser les billets. En ne répondant pas à la plainte du deuxième passager, elle a violé le droit de celui-ci à l’information et à un dédommagement. Pour ces motifs, la compagnie aérienne a agi, selon Unia, en infraction avec les dispositions du règlement européen 1107/2006 relatif aux droits des personnes handicapés lorsqu’elles font des voyages aériens.

Unia rappelle, dans ce dossier, l’importance d'un transport accessible afin de garantir que les personnes handicapées puissent participer à la vie sociale de manière autonome et sur un pied d'égalité. Dans ce cadre, un transport aérien accessible est indispensable. 

L’accord

La compagnie aérienne reconnaît la discrimination et se montre disposée à rechercher un accord extrajudiciaire avec Unia et les passagers.

La compagnie aérienne indemnisera les passagers pour les dommages subis. Outre l’éventuelle indemnisation prévue par la législation européenne, les passagers recevront un dédommagement supplémentaire sur la base de la législation belge anti-discrimination.

La compagnie aérienne s’est engagée à améliorer ses services d'une manière concrète et mesurable afin que les passagers handicapés puissent, à l'avenir, bénéficier d’un transport accessible et d’une assistance de qualité.

Dans un premier temps, elle désignera un expert en vue d’effectuer un audit de l’ensemble de ses services. Selon l’accord, cet expert doit être un spécialiste en matière de transport aérien des personnes handicapées et doit pouvoir réaliser son audit en toute indépendance. Sur la base des résultats de l'audit, la compagnie présentera à Unia un plan d'action contenant les mesures envisagées. Unia assurera un suivi du processus et recevra un rapport circonstancié sur les mesures prises.

Si la compagnie aérienne respecte les obligations contenues dans l'accord dans les délais prévus, les passagers et Unia s’engagent à ne pas entreprendre d’action en justice contre la société. 

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