Les Lois antiracisme et antidiscrimination ont 10 ans: Unia publie son rapport d’évaluation

9 Mai 2017

Les lois antiracisme et antidiscrimination ont 10 ans aujourd’hui. Unia publie à cette occasion un rapport d’évaluation avec 27 recommandations pour améliorer ces lois et les faire évoluer. De manière générale Unia constate que certaines dispositions ne répondent plus tout à fait aux besoins, notamment pour certaines victimes de discriminations, et qu’elles offrent peu de marge de manœuvre. Ce rapport d’évaluation a été rédigé sur base d’un peu plus de 17.000 dossiers traités et des 145 actions en justice portés par Unia depuis 2007.

Dans son rapport d’évaluation, Unia souligne que, pour l’essentiel, la législation belge antidiscrimination constitue une réelle avancée. « En effet, tous les pays de l’UE ne disposent pas d’un cadre légal aussi étendu que la Belgique. Notre législation protège 19 critères alors que les directives européennes évoquaient 6 critères. Nos lois protègent de nombreuses personnes en Belgique et il faut s’en féliciter », avance Patrick Charlier, directeur d’Unia.

1. Mieux protéger les victimes

Indemnisation

Unia estime que l’indemnité forfaitaire pour les victimes devrait être plus élevée. « Bien qu'il existe un montant forfaitaire appréciable pour les victimes de discrimination sur le marché du travail (équivalent à 6 mois de salaires brut), ce n'est pas le cas de discriminations dans d'autres domaines. Par exemple, une indemnité forfaitaire de 1300 € quand on se voit refuser la location d’un appartement sur base de sa couleur de peau noire, c’est très peu. Avec des montants plus élevés, les victimes s’adresseront sans doute plus rapidement au tribunal » , explique Patrick Charlier.

Une peine plus forte

Unia plaide pour que les délits de haine soient punis plus lourdement. Par exemple, si une personne est victime d’un chantage en raison de son orientation sexuelle, la peine doit pouvoir être aggravée s’il s’agit d’un motif abject ou d’un délit de haine. Cela vaut aussi pour d’autres critères reconnus.

« Il faut élargir la liste des délits permettant une aggravation de la peine. Il y a d’autres délits combinant violence et discrimination que ceux énumérés dans la loi. Songeons à la torture, au traitement inhumain, aux menaces, à l’abus d’autorité, au chantage etc. »

État de santé

Parmi les recommandations d’Unia, il y a également la volonté de faire évoluer le critère concernant l’état de santé . « Aujourd'hui, la loi ne parle que de l’état de santé actuelle et future. Alors que notre expérience démontre que certaines personnes sont, par exemple, licenciées en raison de leur état de santé passé. Une fois guéries, certaines personnes restent des oiseaux pour le chat. C’est une pratique connue : en cas de réorganisation, des entreprises attribuent des points de pénalité à des collaborateurs en fonction du nombre de jours de maladie dans le passé. Le critère actuel de l’état de santé  doit être étendu aux problèmes de santé que la personne a connus dans le passé.»

2. La loi manque de moyens d’action

Preuves

De nombreuses plaintes pour discrimination n’aboutissent pas faute de preuves, même si une inversion de la charge de preuve est possible sur le plan civil.  La loi antidiscrimination manque ainsi souvent son effet.

Les tests de situation sont, par exemple, un moyen avéré d’établir une discrimination. Comme la loi ne mentionne pas explicitement cette possibilité, ces tests restent très fragiles d’un point de vue juridique. « Les auteurs de discrimination peuvent aujourd’hui affirmer que les données ne peuvent pas être utilisées comme preuve contre eux parce qu’elles ont été obtenues de manière illégitime. Il faut changer cela. »

Action positive

Aux yeux d’Unia, les actions positives restent au stade de la théorie. « Aujourd’hui, la loi reste très imprécise sur le cadre d’une action positive. Si on prend le cas d’une entreprise qui constate un manque de personnel âge de plus de 45 ans, elle ne peut aujourd’hui pas faire une recherche ciblée sans prendre le risque d’être attaquée en justice par des jeunes candidats qui pourraient facilement arguer d’une discrimination en raison de l’âge. Il y a là un besoin de précision et de cadre clair ».