Carte blanche: “A chacun sa loi?”

15 Décembre 2016

Cette semaine, on apprenait que plusieurs mariages n’ont pas été célébrés à Bruxelles sur décision de son échevin de l’Etat civil en raison du refus des couples de lui serrer la main. Monsieur Alain Courtois avance deux arguments pour justifier son refus : le respect et l’éducation d’une part et la neutralité d’autre part.  Ces deux arguments appellent des clarifications.

Estimer qu’il n’y a qu’une bonne manière de saluer et de montrer du respect pour quelqu’un traduit un certain ethnocentrisme. En effet, les salutations peuvent différer d’un endroit à l’autre. Rien qu’entre les citoyens de notre petit pays, on ne se dit pas bonjour de la même façon à Anvers ou à Liège. Et certains pays n’ont pas adopté cette habitude de se serrer la main, et en aucun cas, il ne s’agit d’un manque de respect.

Concernant la neutralité, l’élu bruxellois semble considérer qu’elle s’impose à un citoyen lorsqu’il est en relation avec un service public. C’est une conception assez singulière et mal comprise. Le principe de neutralité s’applique au fonctionnaire, en ce compris à l’Officier de l’état civil dans l’exercice de ses fonctions et non à l’usager du service public. Elle implique pour le citoyen de recevoir un service neutre, indépendamment de ses convictions, qu’il ne soit ni avantagé, ni désavantagé en raison de celles-ci. 

Mais que nous dit Monsieur Courtois lorsqu’il refuse de célébrer un mariage? Il demande en fait de ne pas accomplir un acte qui relève de ses fonctions, de ne pas se soumettre à des prescrits légaux, au nom de ses convictions. Ce qu’il demande en fait, c’est de pouvoir bénéficier d’un accommodement raisonnable en raison de ses convictions. Si l’on suit ce raisonnement, il sera alors possible pour un fonctionnaire de refuser de marier un couple homosexuel.

Il est logique  qu’on ne puisse pas autoriser des fonctionnaires à faire passer leurs convictions avant l’application de la loi. Le changement peut passer par une remise en question de la loi mais une fois qu’elle est là, il n’y a pas de marge de négociation. Sinon, c’est chacun sa loi.

Faut-il rappeler que les citoyens n’ont pas le choix de l’officier de l’Etat civil qui doit les marier? Et que si les citoyens ne peuvent choisir leur fonctionnaire, ceux ne peuvent non plus choisir quels sont les citoyens qui méritent de bénéficier de leurs services et ceux qui ne le méritent pas, c’est aussi ça le principe de la neutralité de l’Etat.

Quand des titulaires de l’autorité publique assument ne pas vouloir respecter la loi, ou une décision de justice, ces sont les fondements de notre Etat qui sont mis à mal.